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Blog de Bénédicte
15 décembre 2009

Critique du livre du célèbre reporter photographe

Rapporteur de guerre


 

Patrick Chauvel est un enfant de la balle. Son père, Jean-François Chauvel, était lui-même photographe reporter de guerre et ses amis étaient parmi les plus grands journalistes de l'époque. Ce sont eux qui ont scellé le destin du jeune Patrick. Un jour, Gilles Caron lui dit : « Vas y ! » Voilà le jeune homme qui lève les voiles direction Israël. Il n'a que dix-sept ans. Premier reportage raté, pas une seule photo n'est exploitable. « On est des journalistes, pas des photographes. Le but n'est pas de faire de belles photos mais de montrer la réalité. » ne cesse de rappeler Chauvel, tout au long de son livre. Cependant, il faut tout de même un minimum de talent et de ténacité.

Dans ce livre, Patrick Chauvel raconte sa vie de journaliste, de photographe et ses plus grands reportages. Il y a un effet un peu « mythique ». Malgré son talent, le journaliste a aussi beaucoup de chance. Lui même le reconnaît, surtout lorsqu'il est dans des situations critiques ou lorsqu'il voit des collègues mourir devant lui. Plusieurs fois touché gravement lors de conflits, mais jamais mort. Cela rappelle la réalité du métier de journaliste, surtout celle du journaliste de guerre. « La chance, c'est le professionnalisme », assure un confrère photographe.

Ce qu'on remarque dans ce livre, c'est que Patrick Chauvel a l'air d'accorder assez peu de temps à la vie de famille. Une famille, il en a une, mais il voit peu son père et se marie trois fois. Il parle aussi assez peu de ses deux enfants, même si au final, ce n'est pas le sujet du livre. L'appel de la guerre est toujours le plus fort pour Patrick, qui préfère marcher des jours entiers dans le désert brulant plutôt que de retrouver le confort de son appartement parisien. Le journalisme et la photo sont pour lui une histoire de passion, quitte à ressentir la solitude. Malgré qu'il soit très entouré, il se sent souvent seul, loin de sa famille.

Le plus percutant dans ce livre, ce qu'on ressent le plus en tant que spectateur, c'est la tourmente du journaliste qui se retrouve dans un conflit. Chauvel affirme qu'il vaut mieux ne pas être au milieu, et donc incorporer un des deux camps qui s'affrontent. C'est pourtant loin d'être facile, d'un point de vue intégration. S'insérer dans un escadron militaire alors qu'on est journaliste, ça n'est pas toujours évident. Chauvel évite les haut gradés et le confort. Il préfère s'allier aux soldats, dans la boue et le froid. Ses photos sont un pur reflet de la réalité des combats. Lui-même a été blessé plusieurs fois, pris pour un soldat par l'ennemi. Pourtant, il vogue d'un camp à l'autre lorsque c'est possible. Parfois, l'envie de prendre les armes est forte. Il se prend d'amitié ou d'admiration pour des chefs de clan comme Daniel Roxo en Érythrée, les armes à portée de main. Ces affinités le frustrent un peu de n'avoir pas de cause à défendre et de n'être là que pour photographier. Plusieurs fois dans le livre, il prend un arme et tire. Il n'a pas de cible mais essaye de sauver sa vie.

Ce livre est très bien écrit. De plus, il parle de choses très concrètes. Patrick Chauvel nous raconte sa vie et surtout ses anecdotes de reportage les plus incroyables. Cela est très intéressant même pour des novices en journalisme. Plus qu'une expérience, ce livre décrypte des conflits du point de vue journalistique, la manière dont a été traitée l'information, quelles difficultés ont été rencontrées. On comprend mieux l'origine de certaines guerres auxquelles on ne s'est pas forcément intéressé sur le coup. De plus, on se rend compte qu'elles sont souvent liées à des conflits qui ont encore lieu aujourd'hui. Une manière d'acquérir de la culture générale tout en se divertissant. L'écriture est fluide, agréable et facile à lire et très compréhensible.

On comprend mieux l'intérêt de Patrick Chauvel pour les guerres, ce désir de montrer la vie chamboulée des civils mais aussi des combattants. Il passe par tous les types de guerres : religieuse, idéologique, ethnique... Avec à chaque fois la même volonté d'expliquer ce qui se passe, de réveiller les mentalités en France et de sensibiliser les gens à la guerre et aux horreurs. Pourtant, le reste ne suit pas. Employé dans des entreprises différentes, la rengaine est toujours la même : les reportages à l'étranger sont trop onéreux et trop dangereux. Pendant un moment, sa rédaction de l'époque essaye même de l'initier à la presse « people ». Impossible pour le journaliste de s'y résoudre, la vie parisienne n'est pas pour lui. Et il le pense d'autant plus lorsqu'il rentre de reportage. De retour du Cambodge, alors qu'il a une jambe dans le plâtre et le teint halé, un chauffeur de taxi lui demande de quelle station de ski il revient. Agacé, il répond : « Phnom Pen ». L'homme prend un air étonné et avoue ne pas connaître cette station. Cela révèle bien le peu d'intérêt porté par certaines personnes aux conflits mondiaux. Il y a un grand paradoxe entre la réalité et la dureté de la guerre et la petite vie tranquille que mènent les français, loin de toutes ces horreurs. Ça, les rédactions en ont bien conscience et font comprendre aux photographes que leur travail est assez futile. La guerre, ça ne fait pas vendre. Dur retour à la réalité.

Finalement, ce qu'on retient de ce livre, c'est que ce métier, malgré des moments très durs, est surement l'un des plus épanouissant. Sur le terrain, le journaliste ressent toute la détresse des gens qui ont du mal à faire passer leur message dans un pays en guerre. Il est une lueur d'espoir. Cependant, on se rend compte que la récompense n'est pas à la hauteur des attentes. Les retombées dans les pays développés, les seuls à pouvoir intervenir dans les conflits, sont très minimes et n'intéressent pas les populations qui ne sont pas concernées. Il y a encore un long chemin à parcourir pour les journalistes.

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